Jean Racine
Resté orphelin très jeune, il fut élevé par sa grand-mère, Marie des Moulins au milieu d’influences jansénistes. En âge de travailler, on l’envoya au collège de la ville de Beauvais, dirigé par des jansénistes ; puis, à seize ans, on le mit aux Petites-Écoles de Port-Royal. Là il fit d’excellentes humanités, il y apprit le grec (que l’on n’enseignait pas alors dans les collèges de l’Université ou des Jésuites) ; mais surtout il y reçut une profonde éducation religieuse.
Ses études terminées, après une année de philosophie au collège d’Harcourt, à Paris, Racine accepte une petite place auprès de son oncle Vitart, intendant du duc de Chevreuse. Mais il est de bonne heure tenté par la poésie, et en 1660, il publie une ode intitulée La Nymphe de la Seine, composée pour le mariage du Roi. En même temps, il se lie avec La Fontaine, et il s’attire les remontrances de Port-Royal. Pour l’arracher au monde des lettres et du théâtre, sa famille l’envoie à Uzès (dans le Gard), où l’un de ses oncles, le chanoine Scouin, lui promettait un bénéfice ecclésiastique. Il reste dans le Midi à peu près un an, étudiant fort peu la théologie, et préparant des poèmes et des tragédies. Quand il revient à Paris, en 1663, il fait paraître une Ode sur la convalescence du Roi, et reçoit une gratification de 600 livres, dont il remercie Louis XIV par une nouvelle pièce : La Renommée aux Muses.
De 1667 à 1674, Racine donne, toujours avec succès, mais non sans luttes ni polémiques : Andromaque (1667), les Plaideurs(1668), Britannicus (1669), Bérénice (1670), Bajazet (1672), Mithridate (1673), Iphigénie (1674). En 1673, il était entré à l’Académie française. Trois années s’écoulent entre Iphigénie et Phèdre jouée au mois de janvier 1677; on sait qu’une violente cabale fut montée contre la Phèdre de Racine par la duchesse de Nevers et la princesse de Bouillon qui voulaient faire triompher la Phèdre de Pradon. D’ailleurs, la pièce de Racine se releva après la troisième représentation, et il est inexact de parler ici d’une chute.
Mais Racine, précisément cette même année, se réconcilie avec ses anciens maîtres de Port-Royal, en particulier avec le grand Arnauld. Alors, il renonce au théâtre, se marie, devient historiographe du Roi, fréquente la cour et élève une nombreuse famille. En 1689, il consent à écrire, sur la prière de Mme de Maintenon, un ouvrage propre à être récité et chanté, pour les jeunes filles de Saint-Cyr : c’est Esther, dont les représentations eurent un immense succès ; et, en 1691, il donne, à la même intention, Athalie qui, jouée sans costumes dans la chambre du Roi, passa d’abord pour inférieure à Esther.
Les dernières années de Racine furent attristées, dit-on, par une disgrâce auprès du Roi, on ne sait pour quelle cause. Mais cette disgrâce, du moins, fut courte, et paraît n’avoir été due qu’aux attaches de Racine avec Port-Royal qui devenait de plus en plus suspect à Louis XIV. Il mourut le 21 avril 1699, laissant sept enfants, dont deux fils : Jean-Baptiste à qui il a adressé des lettres charmantes et qui mourut en 1747, et Louis, auteur des poèmes de La Grâce et de La Religion.
Le style de Racine, auteur tragique, donne en général une impression d’harmonie, de justesse, de naturel. Mais c’est au théâtre qu’il faut le juger. Là on s’aperçoit que le style de Racine est plus varié que celui de Corneille : chaque personnage y parle le langage de son caractère et de sa situation. Dans les passages d’exposition ou de galanterie, il y a parfois trop d’élégance, ou du moins on la sent : dans les scènes où le poète fait parler la passion toute pure, c’est la nature même que l’on croit entendre, et jamais aucun poète n’a réalisé à ce point l’art de se l’aire oublier lui-même.